Un vieil homme, le regard vague, approche deux jeunes qui jouent à Magic.
Après quelques minutes à les regarder jouer il les interpelle :
- Ça a l’air bien gentil votre truc, mais avez-vous entendu parler de notre seigneur, Android Netrunner?
- Dégage papi, déjà tu m’empêches de réfléchir pour essayer de battre son putain de tribal Teferi Prison, et ensuite ANR c’est mort depuis longtemps !
L’homme s’en retourne comprenant qu’il n’est plus à la page mais continuant son pèlerinage pour convertir d’autres ouailles.
Di… ANR est mort.
Android Netrunner, c’est certainement l’autre pépite la plus connue de Richard Garfield(non pas spiderman). Il a existé entre 2012 et 2018, laissant une communauté orpheline dès que le business plan n’était plus au goût d’Asmodee à qui appartenait FFG. C’était déjà un reboot de Netrunner qui exista de 96 à 99.
Passé sur le grid!
Oui mais non… AnR est un zombie, un jeu maintenu en vie par sa communauté, d’abord virtuellement, puis physiquement à travers un projet appelé Nisei.
Un ensemble de fans qui ont décidé de redonner un souffle, en republiant des cartes, et en lançant un nouveau format démarrant avec leur boîte de base pour ceux qui aiment l’aspect compétitif.
« Toss a coin to the runner »
Alors pourquoi c’est bien ? Pourquoi ce jeu a une place particulière dans le cœur de ceux qui l’ont essayé?
Déjà c’est un jeu asymétrique, c’est-à-dire que les deux joueurs vont s’affronter en jouant de deux manières différentes.
Le runner, un pirate, va s’attaquer aux serveurs de l’autre joueur qui joue une corporation. Leur but à tous les deux, être le premier à avoir 7 points de projets, pour le runner en les volant, pour la corpo en les développant.
Au départ le runner peut s’adonner à ses activités sans trop de soucis, mais au fur et à mesure du jeu les clicks(actions) et les crédits, les deux principales ressources du jeu, vont devenir de plus en plus précieuses, pendant que la corpo va développer un puzzle de plus en plus complexe, obligeant le runner à des choix Cornéliens (non pas celui qui chante « parce qu’on vient de loin »), par rapport à la gestion des ICE posées, l’estimation de quelle racine de serveur peut être intéressante à attaquer à cet instant…
Et surtout savoir quand reculer ou s’arrêter… Et oui, en plus du bluff de la prise de risques, comme si ça ne suffisait pas.
Maître Garfield nous laisse haletant devant tous ces choix qu’on soit corpo ou runner…
Et c’est là toute la beauté de ce jeu, la dimension de bluff, presque même des sensations de poker où on finit par calculer notre EV(rentabilité) sur chaque coup.
Des sensations incroyables quand on réussit à piéger un runner par ce serveur laissé sans protection qui était en fait un piège, ou quand en tant que runner on attaque la main de l’adversaire pour lui voler une carte, et que c’est un projet!
Clairement notre dopamine en prend un coup!
Ajoute du chrome, puis salis-le.
AnR/Nisei c’est aussi un univers cyberpunk, plutôt la lignée venant de Gibbons et son Neuromancien. Tout est futuriste, mais aussi sale, sombre, suffoquant, comme si la ville et les corpos allaient engloutir les êtres humains obligés de s’hybrider pour survivre à ces monstres.
Et c’est là l’autre tour de force de ce jeu, reproduire cette ambiance cyberpunk où chaque victoire est un miracle, comme une fourmi qui aurait fait trembler Goliath.
Au début de la partie le runner est sous les radars, et peut piller la Corpo assez facilement, puis à force de la titiller, elle mettra des systèmes de défense en place( les glaces, un genre de Pare-feu), et donc le Mid-Game bascule du côté de cette corpo qui commence à mettre les moyens pour écraser cet insecte, pour nous amener à un late game comme un combat entre deux boxeurs au 12 ème round à deux doigt du KO dans lequel chaque carte peut être décisive et chaque ressource primordiale.
Et ça, c’est tellement cyberpunk… Cette descente aux enfers, hommage au genre Noir appliqué ici dans un univers futuriste et dystopique(enfin, ce futur devient de plus en plus actuel).
Chaque corpo et chaque runner appartiennent à des factions qui vont privilégier certains gameplays, avec un système de construction de deck permettant de l’épicer pour surprendre notre adversaire.
Ici c’est donc l’élégance et le lien thématique qui font de AnR un jeu particulier pour les joueurs de cartes. Une expérience dont on ne sort pas indemne, mais qui finit par nous obséder… Le prochain run sera le bon… On finit junkie comme ces runners accros au piratage, ou alors en calculateur froid attendant la prochaine occasion de flatline(réussir à infliger assez de dégâts au runner pour qu’il n’ait plus de cartes en main à défausser) ces imprudents.
D’ici là, vous pouvez venir le tester à l’Ork si le cœur vous en dit.
Maintenant je débranche avant d’être tagger.
PS: tout Nisei est disponible en print and play, donc gratuit, j’ai fait les tokens en recyclant des vieilles boîtes de jeux de société (et oui avec la pénurie de papier et de carton c’est de l’or, c’est donc bien de pouvoir les récupérer plutôt que de les jeter!), de plus ça peut être un projet DIY sympathique en famille.
Pnp : nisei.net/fr/produits/
Tokens et vidéo pour faire des cartes et des tokens de bonne qualité (anglais uniquement): diningtablepnp.com/videos/vi … em-gateway
